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14 December 2011

Hachimiya Ahamada : De quoi rêvent nos Comores ?

Hachimiya Ahamada, diasporienne des Comores et Française issue de l’immigration comorienne, embrasse ses deux cultures, tout en recherchant une identité qu’elle ne connaît que par les récits de ses parents et par les images reçues. C’est à travers le cinéma, avec sa caméra, qu’elle retrouve ses racines comoriennes.

Hachimiya, vous êtes née et vous avez grandi en France, faisant partie de la diaspora comorienne avec des racines bien ancrées aux Comores. En tant que comorienne de la diaspora en France, quelle est votre relation avec les Comores?
Je suis née à Dunkerque où la diaspora comorienne y est très présente. On dit parfois que c’est la 3è ville comorienne de France (après Marseille et  Paris ou le Havre- les premières migrations venant des ouvriers marins). C’est une grande communauté qui reste pour le moins très discrète dans la ville.
Je suis partie pour la première fois aux Comores à l’âge adulte. Un peu tard pour connaître sa famille et ses origines. Avant cela, depuis mon enfance dunkerquoise, les Comores restaient un pays imaginaire et je le devinais à travers les yeux de mes parents. Je découvrais l’archipel également sous forme d’images d’Epinal: des timbres postaux, des cassettes vidéo, des photos, des posters touristiques, des tableaux naïfs…

Mon père travaillait comme manutentionnaire dans une usine de métallurgie. Son rêve était de construire une maison pour la famille dans son village natal (Ouellah Itsandra- Grande Comore). Toute son économie était pour concrétiser cela. Tant que la maison n’était pas finie, on ne partait pas aux Comores.  Voilà pourquoi on a mis du temps à partir même si la maison est à ce jour pas tout à fait terminée.

Je me définis comme une enfant de la diaspora comorienne qui a la richesse de posséder deux cultures (de naissance et d’origine). Par le biais du cinéma, j’essaie de comprendre mes racines comoriennes. Je souhaite filmer les Comores avec des sujets qui soient différents du folklore, des grands mariages, des traditions, de Bob Denard…montrer les Comores autrement que par les idées reçues. 
Quelles ont été vos expériences avec le cinéma en grandissant et comment êtes-vous arrivée au cinéma?
À l’adolescence, je passais presque tous mes mercredis et mes samedis après-midi  dans un atelier vidéo qui s’intitulait «l’Ecole de la Rue » au sein d’une MJC (Maison des jeunes et de la culture) à Dunkerque. C’est là que furent mes premiers pas en cinéma. Avec mes amis, on échangeait autour de nos premiers essais filmés et également autour d’œuvres cinématographiques. On forgeait notre regard à travers des films exigeants. Il y avait une telle alchimie dans notre groupe qu’aujourd’hui beaucoup d’entre nous avons un métier qui touche au cinéma (projectionniste, producteur, réalisateurs, coordinateur dans la diffusion auprès des écoles…). ‘L’Ecole de la rue’ était nôtre âge d’or : on vivait notre adolescence à travers les images!

À l’époque, il y avait également ‘Les Rencontres Internationales Cinématographiques de Dunkerque’ (qui n’existe plus aujourd’hui). Les réalisateurs confirmés croisés lors de ce festival, nous avaient incités à poursuivre le désir de réaliser. Je n’osais pas trop passer le cap, je ne m’en sentais pas capable même si j’en rêvais. C’est avec l’impulsion de mes amis que j’ai osé passer un concours d’entrée dans une école de cinéma. J’ai fait la formation de Réalisation à l’Insas (Institut National Supérieur des Arts du Spectacle et de la Diffusion) à Bruxelles.  J’ai eu mon diplôme en 2004. Quatre ans plus tard, j’ai réalisé mon premier court-métrage de fiction La résidence Ylang Ylang sur l’île de la Grande Comore. À ma grande surprise, ce film a été diffusé à la Semaine Internationale de la Critique à Cannes en 2008.

Ivresse d’une Oasis, un film de Hachimiya Ahamada
Les thèmes de la plupart de vos films se concentrent sur les Comores: Feu leur rêve, La résidence Ylang Ylang et votre dernière œuvre l’Ivresse d’une Oasis. Cela montre-il votre désir de raconter l’histoire des Comores à travers le cinéma?

L’histoire des Comores c’est un bien grand mot ! En fait, plus humblement, ces trois films racontent la maison dans le pays natal : la demeure idéale qui met du temps à se construire ou à être finie. Nos parents pensaient d’abord ‘maison d’installation’, puis avec le temps c’est devenu ‘maison de vacances’ et le temps passant ça devient ‘maison tombeau’ car les descendants viennent moins et certains ne viennent pas du tout. Construire son logis c’est laisser sa trace dans le village natal dans lequel on a été longtemps absent. Comme une trilogie ces trois films m’ont permis d’explorer le destin de ces maisons inhabitées en attente de leurs propriétaires restés en France ou ailleurs. Feu leur rêve, mon film de fin d’étude, écrit d’une manière poétique raconte les Comores de manière imaginaire tout en restant à Dunkerque. La Résidence Ylang Ylang, mon premier court-métrage de fiction, est un conte qui relate les insulaires vivant dans des maisons en paille ou en tôle et qui ne profitent pas des maisons en dur des émigrés absents. L’Ivresse d’une Oasis clôt le chapitre de mon exploration du sujet de la maison et va plus loin en voyageant sur l’ensemble des 4 îles de l’archipel des Comores en quête de son identité comorienne.

L’Ivresse d'une Oasis explore la relation entre les habitants des Comores et de la diaspora qui retourne au pays : les « je viens » et les « je reste ». En même temps, il met en lumière les rêves des habitants et leur ambivalence concernant les expatriés et vice à versa. Ceci est en fait votre histoire : celle de votre famille. En discutant du film, pouvez-vous nous expliquer aussi la façon dont vous voyez une résolution à ce phénomène ?

L’expression ‘Je viens’ normalement est un terme péjoratif qui désigne la diaspora revenant au pays avec tous les comportements de feindre une certaine réussite. À force d’entendre ‘je viens de Marseille’, ‘je viens de Dunkerque’ ou ‘je viens de Paris’, l’expression ‘Je viens’ est resté. Cela sous-entend quel regard porte les insulaires lors du retour de l’enfant prodige accompagné de sa famille même si c’est une expression péjorative.

L’Ivresse d'une Oasis raconte le besoin inassouvi des insulaires à atteindre leur rêve. Ils s‘en vont pour mieux revenir ; toujours avec cette idée de construire la maison en dur. Or les difficultés à atteindre ce rêve font que la maison idéale n’est que mirage. En anglais je traduis le film comme ‘Ashes of dreams’ : des cendres de rêves. Des rêves qui finalement mettent les insulaires en transit quelque part : soit la France ou soit à Mayotte ou à la Réunion. Et ces fondations attendent…

L’Ivresse d’une Oasis est un film écrit à la première personne du singulier d’abord et ensuite du pluriel. J’avais envie de revenir à la Grande Comore, vers la famille sans cette étiquette de ‘Je viens’ pour mesurer la température du lien familial. Mais le temps crée une fissure tout de même avec les liens du sang. Je retiens une phrase d’une personne qui disait ‘je viens pour ne pas rester’. C’est très dur comme constat. Puis aussi dans ce film, j’avais envie de casser l’image d’Epinal des Comores en rencontrant des insulaires sur les autres îles afin qu’ils me donnent les clés du Comores réel. Une piste : la migration comorienne est sans cesse en mouvement, elle l’a toujours été par son histoire. Par migration économique, un grand nombre des insulaires rêvent de quitter leur village pour mieux revenir. De l’île d’Anjouan, certains traversent 70 km pour atteindre Mayotte. Depuis 1995, depuis l’instauration d’un visa instauré par Balladur et difficile à obtenir pour les comoriens des autres îles, les insulaires traversent la mer par le moyen d’un kwassa-kwassa : une barque de pêche. Le nombre de morts ne cessent de s’étendre lors de cette traversée : des milliers de personnes ont péri en silence. La mer est devenue leur tombeau à la place de la maison.

Puis, les insulaires ayant réussi la traversée portent l’étiquette de ‘clandestin’ au sein d’une terre naturellement comorienne et qui a fait le choix de rester sous le giron français. Une frontière invisible s’est créée entre ces îles sœurs dont chacune recherche leur Oasis mais à quel prix ? L’archipel des Comores voit de jour en jour son identité comorienne se fissurer. Il est très complexe de décrire le présent des Comores, peut être que l’archipel doit passer par là pour arriver à un avenir meilleur.

Ivresse d’une Oasis, un film de Hachimiya Ahamada
Je suis ravie de voir une réelle émergence d'une culture cinématographique comorienne! En 1997, j'ai eu un entretien avec Ouméma Mamadali, également issue de la diaspora comorienne, qui avait récemment terminé le film Baco avec Kabire Fidaali. Elle a déclaré que le film était en fait le premier du pays. Le Festival International du Film in Comores en 2011, cette initiative, est-elle une volonté de mettre les Comores dans le paysage cinématographique? Quels sont ses buts et objectifs?

Je serai intéressée de voir votre entretien avec Ouméma Mamadali. Elle est la première femme à avoir endossé le rôle de réalisateur et à avoir réalisé un long-métrage sous format vidéo. Je n’ai jamais eu l’occasion de rencontrer les réalisateurs de Baco. J’ai rencontré deux acteurs anjouanais qui avaient participé au film et qui m’avaient raconté leur expérience de tournage. Lors de mes repérages pour le documentaire en 2006, on m’a offert une copie du film. Je ne connaissais pas du tout.

Concernant mon premier film de fiction, La Résidence Ylang Ylang, c’est le premier film en format 35 mm. C’est un pas de plus pour le jeune cinéma comorien. D’autres comoriens de ma génération se mettent à l’ouvrage.

Mohamed Said Ouma, un ami très cinéphile et directeur du FIFAI (Festival International des films d’Afrique et des îles du Monde) à la Réunion, est à l’initiative de ce projet. Il travaille avec une équipe composée de comoriens tout aussi passionnés de l’image. Ils ont des compétences et un savoir à faire partager en termes de Cinéma. Dans l’équipe, je connais seulement Mounir Allaoui (directeur artistique) qui a une formation à l’école des Beaux Arts de la Réunion, qui est réalisateur et un fin connaisseur du cinéma asiatique et également Yakina Mohamed Djelane (secrétaire générale) qui est doctorante en Anthropologie. Étant sur le terrain, ils apportent un nouvel élan en donnant des clés sur le travail de l’image auprès des spectateurs. Ils sont la base d’une plate-forme qui se mettra en place et posent des jalons pour éveiller nos futures graines de cinéastes. Ils font des interventions dans certains villages en montrant des films d’ailleurs. Le festival en lui-même se déroulera plus officiellement en décembre 2012. Comme l’industrie cinématographique n’existe pas aux Comores, avant de pouvoir créer, il faut pouvoir intégrer sa grammaire, savoir analyser ce qui se cache derrière un plan, décortiquer le discours en cinéma. Ils se mettent courageusement à cette tâche.

Un projet futur sur la diaspora en France ?

Il y a une idée de long-métrage de fiction dont pour l’instant je ne préfère pas trop évoquer car il n’est pas abouti mais ce serait avec la diaspora en France ! Là, je finalise l’écriture d’un scénario de court métrage de fiction. Je continue mon exploration cinématographique sur la diaspora comorienne présente en petit nombre un peu partout dans le monde. J’aimerai remonter le temps vers les années 70, où une migration comorienne fut encore très présente à Madagascar, à Majunga. Ma mère est née dans cette ville où il y avait une très forte communauté comorienne. Je m’inspire de cette époque-là et raconte comment la diaspora fut perçue par les malgaches de cette ville.

Entretien avec Hachimaya Ahamada par Beti Ellerson, décembre 2011

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