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03 August 2011

Éléonore Yameogo parle au sujet de son film "Paris mon paradis"

Éléonore Yameogo du Burkina Faso parle au sujet de son film Paris mon paradis et le phénomène du rêve d'une vie meilleure en Occident, vécu par tant de personnes qui espèrent atteindre ses territoires.

Eléonore, vous avez eu des illusions de Paris avant d'y aller! Quelle était l’inspiration du sujet de votre film Paris mon paradis?

L'inspiration de mon film Paris mon paradis est partie d'un film du Sénégalais Sembene Ousmane La noire de.... Ce film sorti en 1966 est une adaptation d'une nouvelle tirée de son oeuvre Voltaïque

La noire de... est le tout premier long-métrage réalisé par un cinéaste d'Afrique noire.  C'est l'histoire d'une jeune sénégalaise embauchée comme gouvernante par une famille de blancs vivant à Dakar. Lorsque sa patronne décida de retourner vivre en France, elle pria sa servante de la suivre tout en la faisant miroiter.

Ce film m'a beaucoup touché car comme Diouana, le personnage principal du film, j'ai vécu un face à face des rêves et de la réalité lors de mon arrivée en France. Une désillusion totale de ma vision sur l'Occident. 

À l’inverse de Sembene, j'ai voulu traiter le sujet sous forme de documentaire afin de dépeindre la réalité qui se cache derrière le mythe occidental.

La misère vécue par de nombreux immigrants clandestins est bien connue car elle est souvent rapportée dans les médias. Alors que vous étiez encore au Burkina Faso, avez-vous entendu parler de ces conditions? Avez-vous parlé aux compatriotes qui sont rentrés de France?

La misère des immigrés en occident n'est pas souvent médiatisée en Afrique car, cela paraîtrait comme un coup de frein aux futurs candidats à l'immigration. 

Les Etats Africains peinent à trouver de l'emploi pour leur jeunesse même ceux qui sont diplômés. Ce n'est pas dans leur intérêt de décourager ou d'empêcher ceux qui décident de prendre leur envol pour l'Occident. Certaines régions en Afrique sont développées grâce à ses ressortissants expatriés. On peut prendre l'exemple de la région de Kayes au Mali.

Au Burkina Faso, le sujet de l'immigration n'a jamais été d'actualité. Contrairement à des pays comme le Mali, le Sénégal ou la Côte d'Ivoire, le Burkina enregistre un taux faible d'immigrés en occident. Selon les statistiques, il y aurait plus de Français au Burkina que de Burkinabès en France.

La pratique de ne pas révéler la vérité aux familles en Afrique semble contribuer à l'existence précaire de vos interlocuteurs. À votre avis, pourquoi un tel orgueil qui pousse à vivre dans la misère plutôt que de retourner au pays pour avoir un minimum de moyens d'existence et aussi le soutien familial?

En Afrique, nous accordons beaucoup d'importance aux jugements des voisins et autres. Je crois que c'est l'un des facteurs majeurs qui empêche les immigrés de rentrer au pays en cas d'échec. 

Le faite de mentir à sa famille sur sa situation précaire, contraint certains à envoyer mensuellement, des mandats à la famille restée au pays. Je crois que leurs sentiments d'obligation d'entretenir la famille est une grosse "croix" que ces immigrés portent au quotidien malgré leur situation lamentable.

Dans votre recherche sur ce sujet, pensez-vous qu'il est plus difficile pour les femmes que pour les hommes à vivre dans un état perpétuel de l'itinérance et l'instabilité?

Lors de mes recherches sur le sujet, je me suis rendu compte qu'il y avait moins de femmes vivant dans la rue ou dans les squats contrairement aux hommes.

En général, beaucoup de femmes immigrées en France ont bénéficié du regroupement familial. Elles sont venues rejoindre leur mari déjà installés.

Certes qu'il y a des femmes dans des situations itinérantes et d'instabilités. Mais pour fuir la rue, elles préfèrent user de leur charme pour avoir un toit. À l’exemple d'une des intervenantes de mon film, ces femmes en contrepartie sont contraintes de s'offrir à leur locataire et subissent souvent des violences sexuelles. 

Comment avez-vous choisi vos interlocuteurs? Quelle était la situation de ceux qui n'ont pas été inclus dans le film?

Le choix des interlocuteurs de mon film à été basé sur le récit de leurs mésaventures en France que j'ai pu enregistrer lors de mes repérages. Dans mon film, j'ai opté pour la diversité des interlocuteurs car, qu'ils soient Burkinabès, Maliens, guinéens ou sénégalais, ils sont tous Africains et tous dans la même galère. Ainsi, les intervenants principaux sont:  Bintou (une jeune femme burkinabè de 26 ans) Saaba (un sénégalais de 40 ans) et Amoro (un Malien de 65 ans).

Le comportement de certains intervenants dans le film est peu flatteur. Ils ont fait des choix qui ne facilitent pas leur situation déjà précaire et ne suscitent pas d'empathie. Pourquoi avez-vous choisi d’approcher ce sujet à cette manière?

Si on cache ces aspects désagréables, on ne transmet qu'une partie de la vérité et alors ce n'est pas la peine de faire le film. Ce n'est pas parce qu'ils sont en position très fragile qu'on ne doit pas dire une partie de la vérité. Ces gens sont  comme tout le monde : ils ont une part de courage et une part de lâcheté, ils font face et en même temps, ils ont aussi des petits arrangements. La vérité humaine est comme cela, complexe, même si il y a une tentation de tout simplifier, en victime ou en bourreau. J'espère que le film parle des gens de cette façon, sans les réduire à un seul aspect positif ou négatif.

Pourquoi le choix de montrer que la misère des immigrés clandestins, alors qu'il y a ceux qui parviennent à gagner leur vie avec dignité et un certain niveau de contentement?

Mon film traite de la précarité de certains immigrés en France. Mon choix s'est porté sur cette catégorie d'immigrés, car ceux qui réussissent ne sont pas dans l'ombre et n'hésitent pas à se la raconter. 

Vue d'Afrique, la réussite d'un expatrié parait comme une évidence pourtant, lorsqu'on arpente certains quartiers de Paris, la réalité en est autre. La misère se lit sur les visages. Problèmes de logement, de chômage, d'effondrement des repères résument le quotidien de bon nombre expatriés Africains surtout ceux qui sont clandestins. 

Avec ce film, je veux rendre hommage à ces milliers d'hommes et femmes qui vivent tant bien que mal dans la société française et également éclairer les futurs candidats à l'immigration afin qu'ils se servent de ce film comme un document pour mieux préparer le voyage.

Ayant une plus grande attention sur l'immigration à travers le monde, ce film ajoute sa perspective sur un phénomène qui ne fait qu’accroître. En France, il n’y a pas que les Africains qui vivent précairement comme immigrants clandestins, l'accent récemment sur la déportation des Roms est un autre exemple. Aux États-Unis, les Mexicains et autres immigrés de l’Amérique Centrale ont des histoires similaires. Même en Afrique, dû à l'instabilité dans certaines régions, des milliers d'Africains partent à la recherche d'un environnement moins hostile. Il y a plusieurs années en Afrique du Sud, la xénophobie envers les immigrés voisins a eu des réponses assez violentes, lorsque les Sud-Africains les ont accusés d'être paresseux et de vouloir prendre leurs emplois. Voulez-vous voir votre film comme partie d'un plus grand discours sur l'immigration, les perceptions et les attitudes dans un monde le plus en plus interdépendant?

Paris mon paradis ne répond pas directement aux questions de racisme, que l'on trouve partout face aux immigrés de couleur, mais le film permet quand même de mieux comprendre la situation difficile des immigrés et donc, il contribue forcément à plus de tolérance.

Le film parle du phénomène chez les Africains arrivant en France, et en particulier à Paris, mais évidemment, le processus existe dans toutes les régions du monde.

Le phénomène du rêve, c'est toujours dans le sens pays du sud vers Occident. Commencer à prendre conscience que c'est une illusion peut être que c'est la première étape vers une époque où ça s'inversera. Les gens voudront aller de l'Occident vers le Sud...

Entretien par Beti Ellerson, juillet 2011



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