Monique Mbeka Phoba: during the shooting | pendant le tournage |
Sœur Oyo | “Sister Oyo” (2014)
Monique Mbeka Phoba (DCR-Belgium/Belgique)
The filmmaker | La réalisatrice
[English]
Monique Mbeka Phoba was born in 1962 in Brussels; daughter of a diplomat, she spent school holidays in the Congo. At the age of sixteen, after her father’s departure from his post she moved to Belgium. She studied at the Free University of Brussels where she was actively involved in the programmes of Radio Campus, producing many shows. After a degree in Commercial and International Sciences at the Institut d'Etudes Supérieures de Saint-Luc in Brussels, she enrolled in an introductory course in video documentary at Ateliers Varan, created by Jean Rouch, in Paris. In 1991 she directed Revue en vrac with Fred Mongu, journalist of the national television of Zaire. The film gives a perspective on the birth of the independent and pluralist press in the Congo. She continued with several documentaries all of which made a connection with Africa (she lived in Benin for several years and worked for the Benin TV) Rentrer? (1993); Deux petits tours et puis s'en vont (1997 - on the presidential elections in Benin); Un rêve d'indépendance (1998); Sorcière, la vie (2004); Entre la coupe et l’élection (2007).
[Français]
Monique Mbeka Phoba est née en 1962 à Bruxelles. Fille de diplomate, elle ne va au Congo qu'à l'occasion des vacances scolaires. Elle s'installe en Belgique à seize ans quand son père renonce à ses fonctions. Elle étudie à l'Université libre de Bruxelles où elle participe activement aux émissions de Radio Campus et elle réalise de nombreux reportages. Après une licence en sciences commerciales et internationales à l'Institut d'Etudes Supérieures de Saint-Luc à Bruxelles, elle fait un stage d'initiation à la vidéo documentaire aux Ateliers Varan à Paris, créés par Jean Rouch. En 1991, elle réalise avec Fred Mongu, journaliste de la Télévision nationale zaïroise, Revue en vrac (regard sur la naissance de la presse indépendante et pluraliste au Congo. Suivront plusieurs documentaires qui ont toujours un lien avec l'Afrique (elle a vécu au Bénin plusieurs années et a travaillé pour la télévision béninoise) : Rentrer ? (1993) ; Deux petits tours et puis s'en vont (1997 - sur les élections présidentielles au Bénin) ; Un rêve d'indépendance (1998) ; Sorcière, la vie (2004) ; Entre la coupe et l’élection (2007). (Africultures)
Synopsis
[English]
Set in the Belgian Congo in the 1950s, Sister Oyo tells the story of Godelive, a Congolese schoolgirl at the Catholic boarding school Mbanza-Mboma, the premiere French language school for Congolese girls. She is to be westernized, following the will of her parents, but the memory of her grandmother intervenes
[Français]
Dans le Congo colonial des années 50, une écolière congolaise, Godelive, vit dans le pensionnat catholique de Mbanza-Mboma, première école en français pour congolaises. Elle s'occidentalise, suivant le souhait de ses parents mais le souvenir de sa grand-mère s’interpose…
[English]
Monique Mbeka Phoba, scriptwriter, director and producer of the Sister Oyo talks about the film and her passionate experiences during the film production in an excerpt of an interview for the Africa Women in Cinema Blog.
The title of the film, "Sister Oyo," which means in Lingala, in a slightly pejorative manner: "That sister there." So there is a kind of subtext, which would be: "This sister there, is she really what she appears to be?".
I probably got the idea for the film "Sister Oyo," the first time I realized that my mother could have been one of those little black girls seen in the famous film, The Nun’s Story (1959) by Fred Zinnemann, starring Audrey Hepburn. In fact, she lived for some time at a boarding school, in contact with Belgian nuns... And, furthermore Audrey Hepburn also played the role of a Belgian nun.
During the colonial period, the boarding school of the Sacred Heart of Mbanza-Mboma, in the province of Bas-Congo, created in 1947, had long been the only institution where Congolese schoolgirls could take their studies in French and not in a Congolese language. Unlike other African colonies under the British or French administration, where learning the language of the settlers was a sine qua non of education, the majority of Congolese children studied in their original language. Therefore, to receive instruction in French and learn to speak it fluently was considered a must. As the only institution of its kind, the boarding school of Mbanza-Mboma therefore received schoolgirls from across the country, and to be able to have their offspring admitted there was evidence of the social mobility coveted by the évolués.
But who were these évolués? This category of Congolese made a lot of hullabaloo at the end of the Second World War, telling the Belgian colonial authorities who then ruled the country, that they would lose a lot for not treating them differently from the masses of other Congolese who were considered "uncivilized", to use the demeaning language that was current at the time...
In spite of this, my mother, a child and woman among the évolués, has hardly spoken to me about it. She attended the boarding school of Mbanza-Mboma a few years before her marriage and told me anecdotes, like the story of the snake that got into their dormitory... And so I said to myself as I was watching these “exotic” Hollywood films, without thinking much beyond that pleasure of enjoying a good story: "This is my mother, by the way, who is being filmed in this manner..." And hence this change of perspective was stunning for me!
I began to question these inter-perspectives: mine regarding this schoolgirl that was my mother, this colonial era during which she lived and which continues to be present within her and the Congo, these imposing white nuns, with their amazing headdress, the perspectives of the Belgian nuns toward their students, but also on the male and Congolese bodies which surrounded them.
God, the Devil, the Virgin Mary, angels, the colonial order and the hymns in the background, all in the heart of darkness of a rainforest...I thought there was something on the order of a Devil's cauldron in the process of boiling, reducing to smoke the pretense and false appearances. And that from there, all the essentials could then appear: these human beings, without the stamp of their label, who were they, who are they now? So if on one beautiful day God and the Devil came face to face in the forest, taking hostage the body of a nun who discovers she is also a woman, in this microcosm imbued in incommunicability and racial hierarchy, what would be called into question?
In short, seeking the unofficial history and corpses in the closet, weaving together the stories of forbidden couples with anecdotes of my mother, I formed a story that I adapted into a short film.
[Français]
Monique Mbeka Phoba, scénariste, réalisatrice et productrice du film « Sœur oyo » nous parle de ses expériences passionantes autour de la realisation (extrait d’entretien pour l’African Women in Cinema Blog)
Le titre du film est : « Sœur oyo », ce qui veut dire en lingala, de façon légèrement péjorative : « cette sœur-là ». Il y a donc une sorte de sous-texte, qui serait : « Cette sœur-là, est-elle bien celle qu’elle paraît être ? ».
J'ai sans doute eu l’idée de ce film : « Sœur oyo », la première fois que je me suis rendue compte que ma mère aurait pu être une de ces « négrillonnes » vues dans le film "Au risque de se perdre" (1959), le fameux film de Fred Zinnemann, avec Audrey Hepburn. Elle a vécu en effet un certain temps dans un pensionnat, au contact des religieuses belges… Et Audrey Hepburn jouait d’ailleurs le rôle d’une religieuse belge.
A l’époque coloniale, le pensionnat du Sacré-Cœur de Mbanza-Mboma, dans la province du Bas-Congo, créé en 1947, a été longtemps la seule institution où des écolières congolaises pouvaient suivre leurs cours en français et non dans une langue congolaise. Contrairement aux autres colonies africaines, sous administration anglaise ou française, où l’apprentissage de la langue des colons était un sine qua non de la formation, la plupart du temps, les enfants congolais suivaient les cours dans leur langue originelle. De ce fait, bénéficier d’un enseignement en français et savoir le parler couramment était considéré comme un must. Etant la seule institution de ce type, le pensionnat de Mbanza-Mboma recevait donc des écolières de tout le pays et pouvoir y faire admettre sa progéniture était une des preuves d’ascension sociale dont raffolaient les évolués…
Mais, qui étaient les évolués ? Cette catégorie de congolais fit beaucoup de bruit, au sortir de la deuxième guerre mondiale, pour représenter aux autorités coloniales belges qui dirigeaient alors le pays, qu’elles perdaient beaucoup à ne pas les traiter différemment de la masse des autres congolais encore “non civilisés”, pour employer le langage dévalorisant qui avait cours à l’époque…
De tout cela, ma mère, fille et femme d’évolué, ne m’a guère parlé. Elle a fréquenté le pensionnat de Mbanza-Mboma, quelques années avant son mariage et m’en a raconté des anecdotes, comme l’histoire de ce serpent qui se serait introduit dans leur dortoir… Et, je me suis donc dit, alors que je regardais ces films hollywoodiens et exotiques jusque-là, sans penser guère plus loin qu’au plaisir de savourer une bonne histoire : « Mais, au fait, c'est ma mère qu'on filme ainsi… ». Et dès lors, le changement de perspective a été étourdissant !
J’ai commencé à m’interroger sur ces inter-regards : le mien sur cette écolière qu’était ma mère, sur cette époque coloniale qu’elle avait vécu et qui continue d’être présente en elle et au Congo, sur ces impressionnantes religieuses blanches, aux incroyables cornettes, le regard de ces religieuses belges sur leurs élèves, mais aussi sur les corps masculins et congolais, qui les environnaient…
Avec Dieu, le Diable, la Vierge Marie, les Anges, l’ordre colonial et les cantiques en arrière-plan sonore, tout cela au cœur des ténèbres d’une forêt équatoriale...Je me suis dit qu’il y avait quelque chose de l’ordre d’un chaudron du Diable, en train de bouillonner, réduisant en fumée tous les faux-semblants et les faux paraîtres … Et qu’à partir de là, pouvaient apparaître les fondamentaux : ces êtres humains, sans le poinçon de leur étiquetage, qui étaient-ils, qui sont-ils toujours ? Donc si le Bon Dieu et le Diable se font face un beau jour dans la forêt, prenant en otage le corps d’une religieuse qui découvre qu’elle est aussi une femme, quelle remise en cause peut-il se produire, dans ce microcosme qui macère dans l’incommunicabilité et la hiérarchisation raciale ?
Bref, en quête d’histoire non-officielle et de cadavres dans les placards, en tricotant ensemble ces histoires de couples interdits avec les anecdotes de ma mère, j’ai tiré une nouvelle, que j’ai donc adapté en un court-métrage…
Images: ©Soeur Oyo - Monique Mbeka Phoba
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