16 February 2013

Le CNA célèbre les femmes du Fespaco 2013 : Rosalie Ndah, présidente du CNA Afrique nous en parle


Interview de Rosalie Ndah, présidente du CNA Afrique* et présidente du CNA Bénin, par Beti Ellerson en collaboration avec Stephanie Dongmo**, Critique de cinéma | Ecrivain | Journaliste Cameroon Art Critics (CAMAC). 

MISE À JOUR : Rosalie N’Dah a conduit le CNA Afrique depuis sa création en 2008 jusqu'en 2015.

Le CNA Afrique est la structure de coordination de l’ensemble des Cinémas numériques ambulants installés au Bénin, Mali, Niger, Burkina Faso, Togo, Cameroun et Sénégal. Son siège est à Ouagadougou, la « capitale » du cinéma africain. 

Pouvez-vous nous présenter le CNA? 

La promotion du patrimoine cinématographique africain dans toute sa diversité constitue l'objectif premier du Cinéma Numérique Ambulant, entendu CNA. En effet, il a été introduit pour la première fois en Afrique en 2001 au Bénin. Depuis douze ans, il s’est progressivement et successivement implanté au Niger, Mali, Burkina Faso, Sénégal, Cameroun et au Togo. Il est devenu un réseau d’associations avec une structure de coordination dénommée CNA Afrique, dont le siège se trouve à Ouagadougou.

Le CNA est un important outil culturel, de communication et de loisir. Il apporte des films africains aux populations africaines les plus marginalisées par leur isolement géographique ou par leur enclavement socio-économique. Il permet une accessibilité immédiate à ce public, ce qui lui conférant un aspect populaire et une valeur éducative. Le CNA ouvre la possibilité et l’accès à un imaginaire commun, source de réflexion, de témoignage et de dialogue entre les populations sur les différentes pratiques traditionnelles et leurs évolutions.

Les projections du CNA se réalisent en plein air et ne sont pas comme les autres spectacles que l’on regarde sans réfléchir avant de rentrer chez soi. Il encourage un échange de regard sur le monde et un brassage culturel entre les peuples. Il forme ainsi un public pour les salles de cinéma et participe au développement de la culture africaine.

Le CNA aujourd’hui compte huit associations à but non lucratif avec quinze unités de projections et une structure de coordination, CNA Afrique. Avec douze ans d’expérience par des milliers de projections, le CNA  a réuni près de douze millions de spectateurs.

Dans les différents pays, les CNA travaillent en collaboration avec les coopérations françaises, belges et suisses, l’Union Européenne, les directions nationales de la cinématographie, TV5, RFI. Les CNA ont participé à plusieurs campagnes de sensibilisation avec les coopération décentralisées, Plan International, l’Unicef, Amnesty International, l’UNFPA, les programmes nationaux de lutte contre le VIH/SIDA, Programmes de soutien aux initiatives culturelles PSIC (UE), SCAC, Rencontres africaines de la photographie (UE), Save the children, Programme national d’éducation à la citoyenneté, Ambassade du Canada, Festival du théâtre des réalités, Festival de Cannes, Respect, CFI etc.…

Quelles sont les activités du CNA au Fespaco 2013?

Depuis 2005, le CNA participe toujours au FESPACO avec des activités variées et remarquables. Pour le FESPACO 2013, ses activités se présentent comme suit :

Une réunion est prévue le 24  février pour l’élargissement du conseil d’administration du CNA Afrique. Le CNA Afrique ouvre son Conseil d’administration à des personnalités qui soutiennent les CNA depuis plusieurs années et à des acteurs reconnus de la société civile et culturelle africaine.

Pour ajouter une touche spéciale au festival, le réseau des CNA organise chaque soirée une projection de film ayant connu du succès auprès des populations. Cet événement dénommé « Fespaco Classique » aura lieu du 25 février au 01 mars au Maquis le Festival devenu depuis le dernier Fespaco ‘’Village CNA’’. A cette occasion, les personnages de chaque film nous parleront du contexte de création du film et ses conditions de tournage et de production etc.

Les animatrices du CNA présenteront les retours des villageois sur chaque film projeté et les films africains en général. Elles vont rapporter des témoignages sur la réception de ces films et sur les réactions des populations. Toutes ces informations sont en effet minutieusement consignées par les animatrices du CNA dans des cahiers, à l’issue de chaque projection en plein air.

Le 26 février, le CNA mettra en place une commission des ayants droit composée de professionnels de cinéma : réalisateurs, producteurs, distributeurs, exploitants, directeurs de cinématographie, responsables de bureau de droits d’auteur pour améliorer sa politique de rémunération et intégrer son modèle économique dans l’économie cinématographique africaine. Elle devra se réunir tous les deux ans à l’occasion de chaque Fespaco. Ses missions se résumeront comme suit : Evaluer annuellement la participation des CNA pays à la rémunération des ayants droits en fonction du budget de chacune des associations ; Identifier les ayants droit des œuvres, notamment celles vendues à plusieurs structures ; relayer l’action du CNA et sa politique de rémunération auprès de la profession ; faciliter l’affiliation des CNA pays aux bureaux des droits d’auteurs de chacun des pays ; ider le CNA à travailler en réseau et dans la transparence avec la profession.


Le CNA a une présence au Fespaco avec une soirée consacrée au documentaire féminin de création, en partenariat avec AfricaDoc. Quels sont les détails de cet évènement?

Le vendredi 1er mars, la soirée sera consacrée aux documentaires féminins, avec la projection de deux documentaires. La discussion sera animée par des personnalités du monde cinématographique : réalisateurs, critiques et les animatrices du CNA.

Cherchant à faire des soirées autour des classiques du cinéma africain primés au Fespaco, et voyant que, depuis la création du prix au Fespaco en 1972, aucune femme n'a jamais été primée de l'Etalon de Yennenga, le CNA a voulu organiser une soirée autour des documentaires féminins, genre qui se développe particulièrement. Dans le documentaire africain aujourd'hui, Africadoc qui est notre partenaire pour cette soirée estime qu'il y a autant de femmes que d'hommes à se lancer dans le documentaire, encouragées par la légèreté du numérique. Et c'est une donne particulière en Afrique et cela, grâce au travail de formation et de promotion d'Africadoc. Mais cependant, elles restent méconnues. Evidemment, il existe des exceptions, notamment au Burkina où les femmes réalisatrices sont très présentes.

Nombreuses sont les femmes réalisatrices qui se tournent vers le documentaire plutôt que vers la fiction. D'abord parce que le mode de production est beaucoup moins lourd que pour un long-métrage de fiction, ensuite parce que nombre de femmes documentaristes africaines viennent du journalisme. Au Fespaco 2009, le podium de la sélection documentaire était intégralement féminin ! Il y a certainement une nécessité de prise de parole par rapport à la place de la femme dans la société africaine mais aussi un désir de prise de conscience, par la population, de traditions (comme le tatouage des gencives dans Mon beau sourire d'Angèle Diabang), comportements (comme autour de la virginité dans Le prix du sang d'Anne Elisabeth Ngo Minka) ou idées reçues (comme dans Witches of Gambaga de Yaya Badoe) qui perdurent sans forcément être interrogés. Il est certainement important de faire ressortir la nécessité pour la femme de se battre d’avantage pour se faire partout une place dans la société, en mettant en valeur sa créativité, sa personnalité, son intelligence, mais aussi son énergie pour créer la relève. Pour y arriver, il parait important de réduire considérablement l’analphabétisme de la femme, surtout africaine. Une culture illettrée est une culture stoppée, toujours orientée vers le passée. C’est le moment pour la femme de s’engager totalement avec passion et détermination vers la réalisation de film  pour exprimer sa façon de voir le positif et les opportunités là où un homme verrait l’insupportable.

Un documentaire féminin peut présenter quelques choses de spéciales et différent de ce que l’on peut voir dans un film réalisé par un homme. La représentation féminine est à encourager dans tous les secteurs d’activité pour le meilleur développement de la société. C’est pour cela que le CNA milite pour une meilleure visibilité des œuvres des réalisatrices et pour la diffusion du documentaire de création. 

Cette année, le Fespaco met les femmes à l'honneur. C’est un fait inédit: tous les jurys sont présidés par les femmes. Les grands festivals sont d'ailleurs très peu ouverts aux femmes, et ce n'est pas qu'en Afrique. L'année dernière, il y a eu une pétition des femmes réalisatrices pour obliger le festival de Cannes à sélectionner plus de films de femmes pour la Palme d'or. Même dans les livres d'histoire du cinéma africain, on fait très peu cas des femmes. Malgré les discours officiels qui rendent hommage au travail des femmes, ils restent sans impact. D'où la multiplication des festivals de films de femmes. En plus, jusqu'ici, le cinéma est pensé comme un métier d'hommes. Et les grandes difficultés qu'il y a à faire un film en Afrique et à en vivre n'est pas pour encourager les femmes à se lancer.

Programme des activités du CNA au Fespaco
Ai Village CNA au Maquis Le Festival, à 300 mètres du Cinéma Neerwaya à Ouagadougou

Dimanche 24 février
A partir de 11h : Réunion du Conseil d’administration du CNA Afrique 

Lundi 25 février 
10h : Conférence de presse du CNA 
11h-17h : Studio Photo Numérique Ambulant

18h30-21h30 : Projection-débat (Fespaco classique)

Thème : tradition/enfance

Yaaba d’Idrissa Ouédraogo (Burkina Faso, 1989, 90')
A partir de 22h : café - concert

Toute la journée : boutique CNA, buvette-restaurant, exposition CNA, Vidéo Fada 

Mardi 26 février :
10h-17h : Réunion de la commission des ayants droit
10h-17h : Studio Photo Numérique Ambulant

18h30-21h30 : Projection – débat
Thème : comédie sociale
Quartier Mozart de Jean-Pierre Bekolo (Cameroun, 1992, 80')
A partir de 22h : café - concert

Toute la journée : boutique CNA, buvette-restaurant, exposition CNA, Vidéo Fada

Mercredi 27 février 
10h-17h : Studio Photo Numérique Ambulant

18h30-21h30 : projection - débat
Thème : histoire/colonisation
Tasuma, le feu de Daniel Kollo Sanou (Burkina Faso, 2004, 90')
A partir de 22h : café - concert

Toute la journée : boutique CNA, buvette-restaurant, exposition CNA, Vidéo Fada

Jeudi 28 février : 
15h : conférence de presse d’Africalia Belgium, partenaire du CNA

10h-17h : Studio Photo Numérique Ambulant

18h : soirée cinéma avec Africalia Belgium au village Sao, à 45 Km au nord de Ouagadougou

18h30-21h30 : Projection-débat 
Thème : migrations
Gito l'ingrat de Léonce Ngabo (Burundi, 1992, 90')
A partir de 22h : café - concert

Toute la journée : boutique CNA, buvette-restaurant, exposition CNA, Vidéo Fada

Vendredi 1er mars
10h-17h : Studio Photo Numérique Ambulant

18h30-21h30 : Projection – débat 
Séance spéciale documentaires au féminin  
Itchombi de Gentille M. Assih (Togo, 2010, 52') 
Le prix du sang de Elisabeth Anne Ngo Minka (Cameroun, 2010, 26')
A partir de 22h : café - concert

Toute la journée : boutique CNA, buvette-restaurant, exposition CNA, Vidéo Fada

Au Village CNA sis au « Maquis Le Festival »

*CNA [http://www.c-n-a.org/cna_afrique.html]
** Stephanie Dongmo [http://stephaniedongmo.blogspot.com/]