14 January 2013

Neveen Shalaby et « l’agenda » : les expériences d'une cinéaste - participante à la révolution égyptienne de 2011

Neveen SHALABY
L'Egyptienne Neveen Shalaby, cinéaste, a été aussi militante et témoin pendant la manifestation du 25 janvier 2011 sur la Place de Tahrir. Caméra au poing, elle a suivi les événements extraordinaires qui ce sont déroulés jusqu'au jour de la révolution.

Néveen, parlez-nous un peu de vous-même et comment vous êtes venue au cinéma.

Je suis née en 1979 au Caire et je suis très fière d'être égyptienne! J'ai effectué mes études à la Faculté des Arts et je suis diplômée en réalisation de l'Académie de Cinéma du Caire en 2007. J'ai été sélectionnée pour le «  Berlin Talent Campus » en 2008. Puis j'ai travaillé pour la télévision néerlandaise en tant que correspondante basée en Égypte et aussi avec Amnesty International aux Pays-Bas. À présent je suis réalisatrice indépendante en Égypte avec ONU Femmes, Amnesty International, et Al Jazeera. En plus, mes films ont été sélectionnés dans de nombreux festivals auxquels j'ai été invitée.

Le titre de votre film The Agenda and Me (lAgenda et moi) suggère que vous avez aussi participé à la révolution.

Avant l’Agenda et moi, j'ai réalisé The Street Belongs to Us (La rue nous appartient). J'aimerais bien que vous le regardiez, avant que nous parlions de ce dernier film! Je l’ai filmé pendant les deux années précédant la révolution, et terminé le tournage le jour même de la révolution. 

La rue nous appartient de Neveen SHALABY

Parlez-nous de cet "agenda" que le film invoque et votre expérience en tant que manifestante et réalisatrice.  

L'histoire derrière le titre lAgenda et moi, vient de mon expérience dans la nuit du 25 janvier 2011 sur la Place de Tahrir quand j’ai rencontré un agent de police infiltré lorsque la force de l’ordre a donné l'assaut. Il m'a aidé à sortir et m'a dit de ne jamais revenir parce que les manifestants étaient en fait, des gens qui soutenaient les agendas étrangers afin d'écraser le gouvernement actuel. À partir de ce moment, j'ai commencé une recherche pour le vrai agenda, et donc le titre, parce que j'ai été aussi un personnage dans le film.

L’Agenda et Moi de Neveen SHALABY

Donc quelles étaient vos expériences en tant que cinéaste, participante, et témoin ? Avez-vous eu des moments difficiles?

Oui, j'ai incarné tous ces personnages ! J’ai eu des moments difficiles en voyant tous ces martyrs. Mais, je n'ai pas eu peur, même quand j'ai confronté la mort plusieurs fois lorsque j'ai filmé. Parce que je crois beaucoup en Dieu et j'ai senti qu'il me protégerait.

En 2012 pendant la projection au Festival de Louxor du Film Africain, à la fin du film, la personne à côté de moi pleurait. Touchée par ses émotions, je lui ai pris la main. Il m'a remercié après et nous nous sommes embrassés. Il m'a dit que c'était le moment qu'il attendait depuis très longtemps. C'était très touchant de voir un tel enthousiasme de la part du public égyptien dans la salle. Quelques réflexions regardant les réactions en Égypte et ailleurs ?

Oui il y avait des réactions formidables dont je ne m'attendais pas, par exemple au premier mondial au Oslo Film Festival en 2011.

Ayant participé à la révolution égyptienne dès le premier jour, que pensez-vous des élections récentes ?

En un mot : "déçue". À cause de l'ignorance, la pauvreté et le manque de sensibilisation, les partis islamistes radicaux ont gagné toutes nos élections et le chemin reste à parcourir pour réussir dans cette révolution !

Projets futurs ?

Je viens de terminer le deuxième volet de mon film lAgenda et moi, qui passe en Tunisie, donc le titre, lAgenda et moi...Tunisie, deuxième partie. Je travaille aussi sur une série de films concernant le harcèlement sexuel ainsi que sur les femmes dans les emplois non traditionnels.


Entretien avec Neveen Shalaby et traduction de l'anglais par Beti Ellerson, janvier 2013.

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